
L’autre jour j’ai décidé de télécharger un jeu gratuit pour smartphone. Vous savez, l’un de ces jeux purement graphiques, extrêmement répétitifs, sans action, au but très simple, qui détendent et permettent de ne pas réfléchir…
Je ne ferai certainement pas mention du nom (d’ailleurs ils se ressemblent tous, non ?), mais je vais vous en dire plus et vous allez comprendre pourquoi j’ai dédié autant de lignes à un jeu qui, d’apparence ne prend pas la tête, mais qui finit par nous prendre beaucoup plus que cela.
Commençons par le début. Au moment où j’ai lancé le jeu je venais de terminer mon dîner. J’ai le souvenir qu’en sortant de table je me sentais rassasiée, sans envies particulières de dessert.
Le jeu était plus précisément une sorte de puzzle, un tableau d’images colorées qu’il fallait coupler et éliminer au fur et à mesure, jusqu’à leur épuisement avant le compte à rebours.
Un niveau après l’autre j’ai remarqué que mes yeux ne se focalisaient pas sur le contenu des images à matcher. La vitesse du jeux m’incitait à faire économie d’énergie : mes yeux se focalisaient uniquement sur les formes, les couleurs, les détails émergeants, mais ils n’arrivaient pas à saisir les images. De manière très robotique, je voyais sans vraiment regarder et je regardais sans vraiment voir. Je laissais mon cerveau se faire attaquer par plein d’images différentes qui y glissaient sans filtres, tellement j’étais occupée à gagner les niveaux – mon seul objectif.
Au bout de quelques niveaux encore, j’ai été prise par une envie soudaine de chocolat… ou de glace… ou plutôt de cookies… voire de tout ça ensemble ! Et me voilà partie dans un questionnement presque culpabilisant : « J’ai vraiment vraiment envie de ça ? Pourtant j’ai l’impression d’avoir bien mangé… J’ai fait gaffe à préparer un dîner équilibré et j’ai mangé à suffisance. J’ai pris le temps de le savourer en plus ! D’où elle vien cette envie ? Est-ce que je suis triste ? Il s’est passé quelque chose aujourd’hui ? J’appréhende pour demain ? ».
Je me suis rassurée de manière maternelle : « Tu le sais bien Beatrice qu’avoir envie d’un dessert (ou deux) en soi, ce n’est pas un problème. Et je ne vais pas t’empêcher de prendre ce qui te fait plaisir ». Cela dit, j’ai pris un carré de chocolat.
Mais malgré ces mots doux, et le carré de chocolat, mon alarme rouge intérieure ne s’éteignait pas. Comme une alarme antivol, elle m’invitait à faire attention, à observer plus minutieusement, comme si un élément était venu me déranger. J’ai alors repris le jeu, mais de manière différente, moins robotique. Cette fois ci, mon but n’était plus de gagner chaque niveau. Cette fois ci, j’ai observé chaque niveau, chaque image sur chaque tasseau du jeu et en faisant cela, j’ai pu m’apercevoir du piège dans lequel je m’étais mise :
J’avais dit envie soudaine de chocolat ? Plutôt de bonbons ? De sucreries que je ne connais même pas ?
Ou peut-être c’est la nécessité irréfrénable de préparer des pancakes aux fruits rouges ? Allez, qui n’aime pas les pancakes ? La tarte à la confiture, non ? Un cupcake ? Et alors pourquoi pas des profiteroles, une glace au chocolat ou à la vanille, un peu (ou un pot) de miel, un flan, un oeuf à cheval ? Dites moi, un p’tit tiramisù ? Quelqu’un a dit cheesecake ? Un sablé recouvert de glaçage rose poupée ? Un rouleau japonais ? Tout ça ne vous donne pas encore envie ? Allez quelques niveaux plus loin et vous serez sûrs de laisser que plein d’autres aliments trouvent vos envies, sans que vous n’ayez rien à faire. Mieux encore si vos envies sont réprimées !
A chaque niveaux de ce jeu lambda, voici ce que votre cerveau reçoit et digère : une énorme quantité d’images de desserts, gâteaux, sucreries et cochonneries variées. Et si vous pensez que ces images ne sont que des images, je me sens assez confiante de vous contrarier : ces images là, c’est ce qu’on appelle de l’hypnose. Sauf qu’elles sont décidément plus jolies, plus captivantes et beaucoup moins chères qu’une séance d’hypnose par un professionnel. Elles sont gratuites. Elles sont partout, non pas parce qu’elle se trouvent naturellement partout, mais car quelqu’un de précis, avec un objectif bien précis les a placées là où elles sont ! Sous nos yeux ! Dans nos oreilles ! Dans nos narines !
Il n’y a pas trop longtemps je discutais avec une chère copine qui a fait des études supérieures de communication. Elle me disait que l’hypnose la fascinait, mais qu’elle ne connaissait rien à ce sujet et qu’elle aurait aimé que je lui explique vite fait comment ça marchait.
Je lui ai alors parlé de quelques techniques conversationnelles, du pouvoir caché des mots et des images, de leur connotation, et de la capacité de détourner l’attention d’un individu afin de gagner accès à son inconscient et l’amener à agir pour son bien (nda : mémorisez pour son bien).
Un peu perplexe, ma copine m’a répondu « oui, oui, ça je connais. A la fac on avait plein d’heures de cours sur ces techniques de communication, mais moi je veux comprendre l’hypnose ! ».
Drôle comment parfois il suffit de modifier le titre d’une formation pour avoir la conviction d’apprendre tout autre chose…
Mis à part le jeu pour smartphone, que je vous conseille d’aller voir par vous mêmes si jamais votre vie n’était pas assez polluée par des messages subliminaux, parlons maintenant TCA (troubles de la conduite alimentaire).
Lorsqu’un souci alimentaire prend une forme totalisante, le contexte est aussi complexe que délicat et il n’y a pas de formule passe-partout.
Tout d’abord, je précise à mes clients qu’un accompagnement pour les TCA prévoit très souvent un travail adéquat sur son présent émotionnel, souvent sur l’enfance et la mère (source primordiale de nutriment) qui peuvent être à la base du trouble.
Néanmoins, que l’habitude à abandonner corresponde à un TCA profond ou une forme plus légère de grignotage, faire le point sur ce qu’on appelle » nourriture « , sur les ingrédients toxiques, qui causent dépendance, affaiblissent l’organisme et agissent sur l’humeur, sur ce dont notre corps a réellement besoin… ceci représente une ultérieure étape à franchir afin de trouver son rôle actif dans le choix de ses aliments et son bien-être.
Tout comme apprendre et se renseigner sur le secteur de production, de transformation, de distribution de tout ce qui finit dans notre assiette.
On peut bien comprendre, donc, que tous ces éléments, des plus personnels aux plus culturels, sont complémentaires dans un parcours de » pacification » avec la nourriture.
Mais s’il y a bien un élément que je veux souligner aujourd’hui, c’est bien le déjà cité bombardement de suggestions plus ou moins subliminales qui pollue nos vie. Ce bombardement est loin de vouloir s’arrêter. Cela n’empêche, par contre, qu’on puisse apprendre à ouvrir grands les yeux, à connaître notre société, ses cotés pathogènes, à discerner l’aide et la bienfaisance d’une manoeuvre de marketing qui aura sur nous des effets inverses. A partir de la nourriture, on apprend à dire stop !
Pour toute personne traversant les TCA ou se sentant en décalage, voire en antagonisme, par rapport à l’alimentation, au corps, au simple fait de choisir quoi manger, si manger ou pas… sachez que le parcours est long, mais il vous appartient. Surement il n’est pas linéaire, mais il vous appartient. Certe il est rempli d’imprévus et moments difficiles, mais qu’est-ce qui ne l’est pas ? Ceux-ci aussi, ils vous appartiennent. Et en fin des compte, votre parcours fait partie de vous et vous possédez toutes les ressources qui vous ont permis et vous permettront de devenir encore… et encore… et encore.
La nourriture est un don que j’estime, elle est le nutriment principal de mon corps et est une alliée de mon esprit. A partir d’aujourd’hui, je m’offre la possibilité de la découvrir, de me découvrir, dans le respect et le plaisir !